2015 dans le rétroviseur : l’année des télécoms

 
Si l’année 2014 a été marquée par le rachat de SFR, par le câblo-opérateur Numericable, c’est-à-dire par la société Altice dirigée par Patrick Drahi, 2015 n’a pas été plus calme. Retour sur douze mois d’agitation dans le monde des télécoms français, entre rivalités commerciales et avancées techniques.
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Le feuilleton Bouygues Telecom traine en longueur

Logo Bouygues Telecom

C’est certainement le feuilleton qui aura le plus animé les dîners cette année. Dès la fin de l’année 2014, alors même que les autorités de la concurrence venaient d’entériner le rachat de SFR, Altice montrait son ambition d’aller plus loin dans le monde des télécoms. Il ne s’en cachait pas vraiment, et songeait bien fort à acquérir Bouygues Telecom, troisième opérateur français devant Free Mobile. Une opération qui lui aurait notamment permis d’accroître rapidement son réseau 4G, à la traîne face à la concurrence.

Et en début d’année, les choses ont rapidement avancé : Altice mettait 8,5 milliards d’euros sur la table, surpassant l’offre d’Orange et Free l’année précédente, pour acquérir Bouygues Telecom. Toutefois, à cette époque, peu de monde voyait d’un bon œil le retour à trois opérateurs en France – ce qui était le cas avant l’entrée d’Iliad dans la course, début 2012. L’autorité de la concurrence aurait contraint Patrick Drahi et Xavier Niel à collaborer, le premier étant parti pour devoir, en cas d’acquisition de Bouygues, céder une partie de ses actifs à Free Mobile. Disons, à tout hasard, des antennes 4G. Montant de la transaction : deux milliards d’euros, ce qui aurait permis à Altice de proposer 10 milliards d’euros à Bouygues Telecom. On est d’accord,il faut être bien accroché pour suivre cette affaire.

D’autant qu’elle a capoté dans les derniers jours de juin 2015, au cours desquels le Ministère de l’Économie a manifesté son désaccord face à la possibilité d’un retour à trois opérateurs. Le 23 juin se tenait un conseil d’administration chez Bouygues : le non l’a emporté.

Patrick Drahi

Un non à Numericable – rebaptisé SFR entre temps – ne signifie pourtant pas un non à tous. Car après deux saisons d’accalmie, l’affaire Bouygues a repris de plus belle début décembre. L’agence Bloomberg lâchait alors le morceau : après une tentative avortée un an plus tôt, Orange et Bouygues étaient en pourparler pour le rachat du premier par le deuxième. Bouygues Telecom s’est évidemment empressé de démentir l’affaire, tandis que de nombreuses sources pointaient vers la bonne tenue des négociations entre les deux opérateurs, qui pourrait aboutir d’ici peu.

Orange rachetant Bouygues, ce n’est plus tout à fait la même histoire que l’an dernier, puisque cette fois, le numéro un hexagonal achèterait son concurrent sous forme d’actifs, qui permettraient donc à Bouygues d’entrer au capital d’Orange. Pendant ce temps, aussi bien Altice qu’Iliad prépareraient un rapprochement avec un opérateur italien, lui-même pressenti pour être racheté par Orange, ce qui leur permettrait d’entrer au capital d’Orange. Autant d’éléments qui font du rachat de Bouygues, décidément très courtisé, un véritable imbroglio d’intérêts et de manœuvres.

Une guerre commerciale sans répit

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L’année 2015 aura sans nul doute été celle des promotions. Tout au long de l’année, SFR s’est montré particulièrement actif de ce côté, multipliant et prolongeant les journées guerrières dans l’univers RED, les réductions de 5 euros sur ses abonnements classiques, les offres accompagnant de la fibre… Bref, de quoi se demander pourquoi souscrire à un forfait à son tarif normal tant le Carré Rouge s’est montré généreux en promotions destinées à rapatrier le plus grand nombre de mobinautes possible dans son giron. Et accessoirement, rentabiliser tout cela à coups de hausses tarifaires du côté des options, savamment distillées dans ses nouvelles brochures.

La guerre des prix a atteint son paroxysme en fin d’année 2015, lorsque Free Mobile a lancé sa désormais traditionnelle vague de promotions sur le site Vente-Privée, proposant son forfait à 19,99 euros pour 3,99 euros mensuels. L’occasion pour SFR de riposter par le biais de ses formules RED et Virgin Mobile, puis de lancer de nouvelles réductions chez Bouygues Telecom, et même pour Sosh, généralement avare en réductions, de proposer une offre bienvenue. Entre couacs dans les portabilités, souvent repérés chez un SFR débordé, et prix particulièrement avantageux, beaucoup ont vite choisi. Mais resteront-ils chez leur nouvel opérateur en 2016 ? La question reste entière.

La 4G poursuit son déploiement

Particulièrement intéressant du point de vue du client, le déploiement de la 4G, qui a longtemps justifié les augmentations tarifaires des opérateurs, puis s’est mué en argument marketing pour séduire de nouveaux abonnés, s’est intensifié cette année. Tous les mois, nous avons d’ailleurs suivi assidument les publications de l’ARCEP, qui propose un récapitulatif des déploiements d’antennes 4G (mais aussi 3G) périodiquement, et permet d’y voir plus clair.

D’autant que chez les opérateurs, les communications manquent trop souvent de clarté : c’est ainsi qu’il y a quelques semaines, le gendarme des télécoms publiait son rapport sur l’effort d’investissement des opérateurs hexagonaux. Il relevait notamment les chiffres de couverture des uns et des autres, pointant du doigt SFR, à qui il est clairement demandé de ne pas se reposer sur l’accord d’itinérance qu’il a conclu avec Bouygues Telecom, et qui lui permet de pallier les lacunes de son propre réseau. Il lui faudra ainsi mettre les bouchées doubles sur la bande 800 MHz, et couvrir 90 % de chaque département d’ici 2024. Demain, en somme.

antennes 4G ARCEP

Grosso modo, ce qu’il faudra retenir de cette année, c’est bien qu’Orange reste leader en matière de déploiement de la 4G sur son réseau, avec 76 % de la population couverte (chiffres de l’ARCEP pour juillet 2015). Bouygues Telecom continue de jouir de son avance initiale et affiche 72 % de la population couverte, contre 52 % pour un Free Mobile très dynamique et 39 % pour le dernier du peloton, SFR. Des chiffres qui, rapportés à la couverture du territoire, descendent à 28, 24, 18 et 3 % de l’Hexagone : il y a donc encore bien du chemin à faire pour en finir avec les fameuses « zones blanches ».

Notons que SFR, qui parvenait à conserver sa troisième place en termes de 4G et en nombre d’antennes actives (à différencier des supports 4G, qui comprennent plusieurs antennes), a passé les derniers mois de l’année au coude à coude avec Free Mobile. Début décembre, le Carré Rouge affichait une réelle progression, mais Free le dépassait ainsi en nombre d’antennes. L’opérateur d’Iliad bénéficie en outre d’un début de déploiement sur la bande 1800 MHz sur laquelle il était jusqu’alors absent, ce qui promet un début 2016 plein de bouleversements dans le paysage 4G français.

Des promesses pour 2016

Le premier changement à attendre n’est pas tout à fait pour 2016, mais plutôt pour l’année qui suivra. À moins que les opérateurs qui ont remporté les enchères mises en place par l’État et régulées par l’ARCEP, pour l’acquisition de blocs dans les fréquences de 700 MHz, ne se pressent franchement.

Bande 700 MHz position ARCEP

Après un appel à candidatures lancé en juillet, les opérateurs ont eu jusqu’à la fin septembre pour indiquer leur intérêt pour ces enchères. Le 17 novembre, quand les enchères se sont terminées au bout de dix tours de table, a vu Orange sortir grand gagnant de l’opération, avec deux blocs de 5 MHz duplex dans la bande de fréquences, de même que Free Mobile. Mais Orange conserve son avance en termes de patrimoine spectral, avec un total de 60 MHz disponibles pour émettre, répartis entre quatre bandes de fréquences. De leur côté, Bouygues Telecom et SFR sont repartis avec chacun un bloc de 5 MHz duplex, ce qui leur permet d’atteindre un total de 50 MHz, contre 45 MHz pour Free Mobile.

Pourquoi les opérateurs ont-ils abandonné à l’État la bagatelle de 466 millions d’euros par bloc (456 millions au 8e tour des enchères), soit un total de 2,8 milliards d’euros pour les six lots de 5 MHz ? Parce qu’ils pourront émettre, entre avril 2016 et juin 2019  – l’ARCEP impose aux acheteurs des obligations de couverture sur les axes RER, le réseau Transilien, les autoroutes notamment –  sur une fréquence proche de la bande en or, les 800 MHz : les fréquences situées sur la bande 700 MHz ont l’avantage d’avoir une longue portée et une bonne pénétration à l’intérieur des bâtiments. Autant dire qu’elles sont l’atout maître des opérateurs qui souhaitent frapper vite et fort.

Mais tout n’est pas si simple : auparavant attribuées à la TNT (Télévision Numérique Terrestre), ces fréquences pourraient causer quelques problèmes de réception chez les utilisateurs de récepteurs TNT. À charge des opérateurs concernés de régler la difficulté auprès des abonnés, ce que les « enchères de positionnement », destinées à permettre aux quatre opérateurs de payer pour choisir leur positionnement sur la bande de fréquence, ont permis de résoudre, fin novembre, à grands coups de chéquier supplémentaires.

VoLTE

Autre nouveauté, et pas des moindres, à l’heure où l’on parle plus de la 4G que des réseaux les plus anciens : la VoLTE commence à faire parler d’elle dans l’Hexagone. Qu’est-ce donc ? C’est cette technologie permettant de passer des appels vocaux sur les réseaux 4G, et donc de désengorger les réseaux traditionnels tout en offrant une meilleure qualité d’appels. Beaucoup de promesses pour une technologie qui ne va pas sans risque, notamment sur Android, mais qui fait ses premiers pas en France. On en parlait déjà tout début 2015, puisque Bouygues Telecom évoquait ses projets de lancements sur ce terrain avant la fin de l’année. Et à la fin du mois de novembre, l’opérateur activait la Voice over LTE sur son réseau, qui raccourcit donc le temps d’établissement des appels et en accroît théoriquement la qualité. Il ne s’agit pour l’heure que de tests auprès de quelques milliers de clients, qui doivent en outre être équipés de l’un des rares terminaux compatibles avec la VoLTE – la série Galaxy S6 de Samsung, notamment.

Les contrats d’itinérance en question

L’accord d’itinérance liant SFR et Bouygues Telecom ne date pas de 2015, puisqu’il a été conclu en janvier 2014. Il portait alors sur les populations situées dans les zones peu denses du pays, et afin les opérateurs s’appuient sur les forces du réseau de leur confrère, notamment pour le cas de la 4G de SFR, à la traîne. Sauf qu’entre temps, le Conseil d’État a rendu une partie de ses pouvoirs à l’ARCEP, qui récupère l’autorisation d’inspecter les contrats d’itinérance.

Après avoir refusé d’avancer la date de fin du contrat d’itinérance liant Free Mobile et Orange, l’autorité des télécoms s’est donc penchée sur le cas de l’autre duo, et compte rendre un texte final applicable courant 2016. Cette itinérance pourrait donc être remise en cause l’année prochaine. Autant dire que 2016 ne sera pas de tout repos pour les opérateurs, dont le comportement en matière de déploiement 3G sera également sous haute surveillance.


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