Ondes, risques psychosociaux… la 5G est-elle dangereuse pour la santé ?

 
À l’occasion d’une table ronde, le Sénat a abordé, ce mercredi, les risques potentiels de la 5G sur la santé, notamment au travers des ondes 3,5 GHz prochainement déployées.
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Le nouveau réseau 5G arrivera à la fin de l’année // Source : Frandroid

Alors que la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat abordait ce mercredi la question épineuse des risques de la 5G pour l’environnement, la table ronde a été précédée d’un sujet tout aussi tendu : les risques sanitaires que pourrait poser la future norme de réseau mobile.

Entre la demande de moratoire de la Convention nationale citoyenne et la volonté du gouvernement de maintenir le calendrier, les échanges s’annonçaient vifs autour d’un sujet aussi sensible que les potentielles atteintes de la 5G sur la santé. Ce fut notamment l’occasion pour Olivier Merckel, chef de l’unité « Evaluation des risques liés aux agents physiques » de l’Anses (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), de faire le point sur l’état actuel des connaissances scientifiques.

Un rapport de l’Anses attendu pour début 2021

L’Anses s’est spécialisée sur le sujet des ondes électromagnétiques. Depuis janvier 2020, l’agence de sécurité sanitaire travaille avec l’ANFR à la rédaction d’un rapport sur la 5G qui doit être remis au premier trimestre 2021, soit plusieurs mois après l’attribution des différentes bandes de fréquence. Prenant la parole lors de la table ronde, Olivier Merckel s’est voulu avant tout rassurant quant aux différentes bandes qui seront mises à contribution.

La 5G concernera trois types de fréquences radio différentes : celle des 3,5 GHz, concernée par la future attribution, celle des 26 GHz, qui sera utilisée dans quelques années, et celles déjà utilisées pour la 4G (2,1 GHz, 1,8 GHz, 2,6 GHz, 800 MHz et 700 MHz). Olivier Merckel rappelle que les bandes déjà utilisées pour la 4G sont bien connues des scientifiques et que leur utilisation ne pose aucun souci sanitaire. Il en va de même pour la bande des 26 GHz : « En matière d’interaction entre les champs électromagnétiques et le vivant, il y a une sorte de séparation qui s’opère à partir de 6 à 10 GHz. Ces ondes ne pénètrent pas dans le vivant. Pour la bande de 26 GHz, on a une absorption très limitée à la surface de la peau ».

Des ondes de 3,5 GHz encore inconnues

Reste la question épineuse de la bande des 3,5 GHz, celle qui sera déployée en premier en France avec l’arrivée de la 5G. Et sur ce point, Olivier Merckel se veut plus prudent :

Dans la bande des 3,5 GHz, la situation est très contrastée. On a beaucoup de données qui correspondent jusqu’à environ 2,5 GHz. À 3,5 GHz on n’a rien parce qu’on a eu très peu de déploiement dans cette bande-là. Les ondes interagissent très différemment avec le vivant selon les longueurs d’onde.

Nicolas Guérin, secrétaire général d’Orange et président de la Fédération française des télécoms, assure quant à lui que cette fréquence des 3,5 GHz ne posera aucun problème : « Notre position est claire sur la question de la santé : on constate que la 5G utilise des bandes de fréquences très proches de la 2G, 3G et 4G. Leurs comportements d’absorption par le corps humain sont tout à fait comparables ».

Les antennes 5G communiqueront uniquement avec les smartphones qui en ont besoin
Les antennes 5G communiqueront uniquement avec les smartphones qui en ont besoin

Un autre élément à mettre dans les colonnes des inconnues sur la 5G est le traitement des ondes. Alors qu’une antenne 4G arrosait en permanence toute une zone, le principe de la 5G fait que les antennes n’émettront des ondes vers les smartphones que lorsque ceux-ci en auront besoin. « On a assez peu de données sur les conséquences de l’aspect faisceau des expositions », indique ainsi Olivier Merckel. Ce n’est cependant pas l’avis de Nicolas Guérin pour qui « c’est le même type d’usage que sur les box et routeurs Wi-Fi récents par exemple ».

Le président de la FFT tient, lui, à rappeler que plusieurs études sur l’impact sanitaire de la 5G ont déjà été faites à travers le monde : « Elles ont toutes conclu la même chose : il n’y a rien de nouveau dans la nature des bandes de fréquence, ou la façon dont on les exploite, qui permette de remettre en question les seuils d’exposition ». Les opérateurs, par la voix de Nicolas Guérin, se sont tout de même montrés rassurants : « On a tous intégré dans nos appels d’offres vers les équipementiers des éléments sur la santé et l’environnement ».

« On ne peut pas démontrer qu’il n’y a pas de risque lié à une technologie »

Seules les premières mesures pourront confirmer une éventuelle absence de risque de la 5G sur la santé. Des premières mesures qui ne seront rendues publiques que quelques mois après la mise en place des réseaux 5G, à la remise des conclusions du rapport de l’Anses début 2021. Mais même là, les données seront nécessairement incomplètes. « La 5G aura à peine commencé à se déployer donc on ne pourra pas forcément répondre à toutes les questions sur l’exposition », indique Olivier Merckel. Le représentant de l’agence sanitaire se veut néanmoins prudent quant aux futures conclusions de son rapport et précise d’emblée :

On ne peut pas démontrer qu’il n’y a pas de risque lié à une technologie. Ce n’est pas possible. On essaie de caractériser au mieux les données disponibles, les incertitudes qui y sont associées.

Du côté du gouvernement comme de la FFT, c’est surtout l’appel à l’innovation et à la compétitivité industrielle des entreprises françaises qui domine. « L’approche du gouvernement reste très méthodique, avec des agences indépendantes chargées de faire des études, une approche de dialogue sur la santé, l’environnement ou la surveillance. On fait la 5G parce que c’est un enjeu de compétitivité dans l’industrie », précise ainsi Mathieu Weill, chef du service de l’économie numérique au ministère de l’Économie. Même son de cloche chez Nicolas Guérin, représentant des opérateurs : « En 2022, les réseaux 4G seront saturés ». Même Sébastien Soriano de l’Arcep le concède : « La 5G est un enjeu de compétitivité industrielle pour le B2B, notamment face à l’Allemagne qui s’équipe en 5G », citant l’exemple des réseaux 5G privés mis en place dans le port de Hambourg, une technologie qui fait défaut au Havre ou à Dunkerque.

Des risques psychosociaux liés aux contenus apportés par la 5G

Au-delà même de la question des ondes 5G en elles-mêmes, c’est un autre sujet qui a été levé par Stéphen Kerckhove de l’association Agir pour l’environnement : les effets psychosociaux du numérique, et notamment des contenus qui pourront être consommés grâce à la 5G. Il déplore notamment que les enfants passent de plus en plus de temps, « 6h40 par jour », devant des écrans. Des usages qui peuvent avoir des conséquences aussi bien en termes de manque de sommeil que de problèmes de vue.

Si le sujet ne concerne pas seulement la 5G, il a le mérite de mettre tous les participants d’accord. « Vous parlez de surexposition des enfants à des écrans, mais les opérateurs ne sont pas responsables de ça. Ce ne sont pas eux les fournisseurs de contenus, de services ou qui envoient en permanence des mails aux abonnés pour télécharger des films ou utiliser les services », assène ainsi Nicolas Guérin. Et de conclure : « On est tout à fait d’accord, tous opérateurs confondus, pour travailler activement à la question de la sobriété numérique et d’éviter un sur-usage des réseaux et des services ».


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