Comme nous l’avons vu dans notre essai routier longue distance, la BMW i7 est la première limousine 100% électrique. C’est en effet la première berline électrique du marché, pensée autant, sinon plus, pour les passagers arrière que pour le conducteur et le passager avant. Pour preuve, c’est la seule électrique à proposer en option un siège arrière-droit Executive Lounge qu’on peut incliner comme en classe affaires en avion.
Mais à quoi bon être installé si confortablement si on s’ennuie tout le trajet ? BMW a donc prévu l’option Theatre Screen, un écran « 8K » de 31 pouces censé « offrir aux passagers arrière une expérience de divertissement comparable à celle d’un cinéma ».
En plus d’intégrer le logiciel Amazon Fire TV, qui donne accès à divers services de vidéo à la demande, l’écran propose une entrée HDMI permettant de brancher un ordinateur ou une console, pour travailler ou pour jouer.
Nous gardons souvent la « surprise » des prix pour la fin de nos articles, mais cette fois le tarif de cette option est un élément de contexte important : l’option Theatre Screen est effectivement facturée 5 000 euros, une sacrée somme pour un écran de 31 pouces, fut-il « 8K ». Vous comprendrez donc notre intransigeance dans la suite de l’article…
Effet waouh
Le BMW Theatre Screen est une réussite indéniable, au moins sur un point : l’effet waouh, dans une voiture par ailleurs impressionnante, mais assez rationnelle dans ses équipements (toutes proportions gardées). L’écran épate d’autant plus la galerie qu’il crée la surprise : au « repos », le monolithe noir est effectivement plaqué le long du toit panoramique de telle façon qu’aucun curieux ne le remarque.
Alors quand on active le « My Mode » Theatre Screen et qu’il se déploie en musique, accompagné d’une nouvelle ambiance lumineuse et de la fermeture des stores, la parade fait son effet.
Mais c’est déjà là que les ennuis commencent. D’abord, l’écran bouche évidemment la vue du rétroviseur central. Ce dernier n’est pas indispensable, les chauffeurs de camions s’en passent très bien, mais à ces niveaux de prix, on pouvait s’attendre à un rétroviseur commutable sur une caméra arrière. Une « simple » Renault Megane E-Tech le fait !
La fermeture du store arrière, opaque, est obligatoire. L’écran serait suffisamment lumineux pour être visible sans, mais ce store évite surtout que les conducteurs qui suivent soient déconcentrés. Les stores latéraux et du toit, micro-perforés, sont quant à eux facultatifs.
Gare aux torticolis
Surtout, malgré l’empattement allongé, on manque de recul. Si l’un des passagers avant mesure plus d’1,80 m, l’écran est très proche. Pour une séance à l’arrêt, on fera donc volontiers l’effort d’avancer et de redresser les sièges pour gagner du recul. Malheureusement, on ne peut pas le faire depuis les places arrière, il faut régler manuellement chacun des deux sièges avant (par exemple en réservant l’une des 3 mémoires à cet usage). Et même dans ce cas, un passager arrière seul utilisera volontiers la fonction permettant d’afficher sa vidéo à gauche ou à droite de l’écran, mais il faudra encore tourner légèrement la tête vers l’intérieur.
Dans tous les cas, l’écran est assez haut. Je mesure un peu moins d’1,90 m et bien assis dans les sièges arrière, mes yeux sont au niveau du bas de l’écran. On peut régler l’inclinaison de l’écran vers le bas, mais il faut pencher la tête vers le haut, plus ou moins selon sa taille, en plus de la tourner vers l’intérieur. Tôt ou tard, ça tire sur la nuque.
Friture sur la ligne
Une fois l’écran déployé, l’interface Amazon Fire TV s’affiche au centre. Mais avant de regarder une vidéo, un film ou une série sur YouTube, Netflix, Disney+ ou n’importe lequel des nombreux services de streaming disponibles sur l’Appstore d’Amazon, il faut encore connecter la voiture à internet.
Le système d’info-divertissement MyBMW est déjà connecté à internet pour certaines des fonctions essentielles d’une voiture électrique : information trafic, planificateur d’itinéraire, application mobile, etc. Des services peu gourmands en données, inclus avec la connexion à internet de base.
Mais pour tous les services de streaming, que ce soit la musique depuis l’avant ou la vidéo à l’arrière, le système embarque un second modem 5G, auquel il faut fournir son propre forfait. Problème : BMW a misé sur l’avenir en ne proposant pas de logement pour carte SIM, mais le système ne permet pas (encore ?) d’installer une eSIM française, faute d’accord avec les opérateurs nous dit-on.
BMW fournit donc un porte-clé Bluetooth dans lequel on doit insérer une carte SIM. À chaque fois qu’on veut utiliser le streaming, il faut faire des manipulations à l’avant avant de pouvoir en profiter à l’arrière. Un bricolage invraisemblable, dont le fonctionnement se montre en plus erratique. Il faut souvent s’y reprendre à deux fois, voire recommencer l’appairage du porte-clé.
Les clients d’une telle limousine auraient sans doute préféré que BMW propose ses propres forfaits internet, comme le font d’autres constructeurs (dont Tesla), quitte à ce qu’il s’arroge le monopole et les facture plus cher. Ou bien que la voiture puisse se connecter au partage de connexion Wi-Fi d’un téléphone ou d’un routeur mobile, ce qui n’est pas le cas.
Pas si tactile
Une fois connecté, on découvre vite un autre problème du Theatre Screen : si l’écran est tactile et si l’interface Amazon Fire TV et les applications Amazon comme Prime Video sont compatibles tactile, ce n’est pas le cas des autres applications, dont Netflix ou YouTube. Conçues pour une utilisation sur téléviseur, elles sont conçues pour qu’on navigue dans leur interface avec une télécommande : pavé de direction, bouton de validation, bouton retour, etc.
Pour toutes ces applications il faut utiliser une télécommande virtuelle anti-ergonomique s’affichant sur le Theatre Screen ou sur les écrans tactiles dans les portières. Saisir quelques mots-clés est donc une épreuve pénible, alors qu’il aurait suffit que BMW intègre ou fournisse une télécommande Amazon Fire TV, valant moins de 30 euros (le prix d’une clé Fire TV ET d’une télécommande !).
Avec certaines applications, on peut utiliser un clavier virtuel ou de la reconnaissance de caractère sur l’écran des portières, mais c’est un pis-aller comparé à une vraie télécommande ou mieux à de vraies interfaces tactiles.
Qualité d’image
Malheureusement, ça se corse encore quand on a lancé une vidéo. D’abord car l’écran « 8K » est largement sous-exploité. En effet, sauf Prime Video qui fonctionne en « HD 1080p », Netflix ou Disney+ fonctionnent visiblement dans une qualité moindre, avec des artefacts de compression (blocking, banding, dirty lines…) ne faisant pas honneur aux bonnes qualités de l’écran LCD. De plus, le son n’est diffusé qu’en stéréo, pas même en 5.1.
Pire, le logiciel Amazon Fire TV fonctionne en 16:9 et n’occupe donc que la moitié de l’écran panoramique 32:9. La date, l’heure et la météo meublent l’autre moitié. Une fonction « Zoom » permet de basculer en 21:9 (deux tiers de l’écran) ou en 32:9 (plein écran). Le Zoom 21:9 correspond au format « Scope » (2,35:1 à 2,4:1) de nombreux films de cinéma. MAIS l’interface reste en 16:9, si bien que des éléments indispensables, comme l’interface du lecteur vidéo et souvent les sous-titres, disparaissent ! De quoi rappeler de mauvais souvenirs à ceux qui ont connu les téléviseurs cathodiques 16:9 du temps de la télévision 4:3.
Le zoom 32:9 permet d’afficher son film en plein écran. Mais à moins que votre cinémathèque se limite aux douze films tournés en Ultra Panavision 70 (2,76:1) dans les années 1950 et 1960, comme le Ben-Hur de 1959, vous recadrez beaucoup l’image. En 32:9 (3,55:1), vous perdez en effet un tiers d’un film tourné en 2,40:1 ! (Et la moitié d’une série tournée en 16:9.) Le tout en grossissant au minimum 4 fois l’image, pour passer du 1080p à la « 8K », amplifiant au passage les artefacts de compression. (De la SD à la HD, on grossissait 2,67 fois l’image.)
Tout cela peut paraitre exagérément technique aux yeux des profanes, ce qu’il faut retenir c’est que ce bel écran est largement sous-exploité et que vous regarderez au mieux des vidéos en 1080p.
HDMI à la rescousse
Nos réserves sont quasi exclusivement d’origine logicielle, mais le BMW Theatre Screen trouve son salut dans son entrée HDMI. Même si les espoirs permis par une source externe sont vite réduits par deux gros défauts. D’abord, cette entrée est derrière l’écran, BMW ne l’a pas déportée, tel qu’aux pieds des passagers au bout de la console centrale, dans l’accoudoir central ou dans le coffre. Le câble HDMI pend donc au milieu de l’habitacle.
Surtout, bien que vous soyez assis sur l’une des plus grosses batteries du marché (101,7 kWh), BMW n’a pas prévu de prise de courant domestique. Dès lors, il faut bricoler avec l’une des prises USB-C, que nous avons mesurées à 45 W, ou avec l’une des prises « allume-cigare » 12 V.
Dès lors, exit la PS5, la Xbox Series X ou l’Apple TV, à moins d’emporter une batterie portable type EcoFlow, ce qui serait un comble. Il faut se satisfaire d’une Nintendo Switch, d’une Asus ROG Ally ou, comme nous l’avons fait, d’un encombrant PC de jeu Asus ROG sur batterie.
C’est ainsi que nous avons pu jouer à Call of Duty ou GTA V avec une manette de Xbox, du moins le peu de temps que la batterie du PC portable nous l’a permis. On est assez loin de l’expérience que procurent les Tesla compatibles avec Steam comme nous avions pu l’essayer.
L’écran fonctionnant à 60 Hz est pourtant tout à fait réactif, et l’éventuel retard à l’affichage (input lag) est imperceptible.
L’ordinateur détecte un écran Ultra HD 4K 16:9, donc l’interface et les jeux n’occupent par défaut qu’une moitié de l’écran, comme avec l’interface Amazon Fire TV embarquée. Mais on peut exploiter la totalité de l’écran, sans recadrage comme avec le Zoom 32:9, en configurant une définition personnalisée correspondant à la définition native de 7680 x 2160 pixels. Soit l’équivalent de deux écrans « 4K » juxtaposés ou d’un demi écran « 8K ».
Dès lors, on peut lire facilement et en pleine qualité des films stockés hors ligne, ou bien se connecter facilement à internet via le partage de connexion de son téléphone ou via un routeur mobile, puis profiter de YouTube, Netflix, etc., en 4K, avec interface et sous-titres visibles en toutes circonstances.
Notre avis
Le BMW Theatre Screen est donc une opportunité manquée. Notre expérience avec notre ordinateur branché à son entrée HDMI montre que c’est essentiellement l’intégration bâclée du logiciel Amazon Fire TV qui gâche son grand potentiel.
Pour 5 000 euros, on aimerait pourtant ne pas avoir à bricoler une clé HDMI derrière l’écran et un routeur mobile dans le compartiment central pour palier les lacunes du système. En fait, une simple clé Amazon Fire TV Stick 4K alimentée par le port USB-C de l’écran et la télécommande fournie font mieux, pour moins de 100 euros, un comble ! À moins qu’on préfère un Chromecast avec Google TV ou un Nvidia Shield TV…
La bonne nouvelle, c’est que le Theatre Screen intègre une webcam, prévue pour participer à des visioconférences Zoom et consorts. Ça signifie que des mises à jour logicielles sont prévues, et on peut espérer qu’elles corrigeront certaines de nos réserves, même si certaines comme l’absence de prise de courant ou de télécommande sont probablement définitives.
Sauf si vous utilisez essentiellement Prime Video, qui fonctionne bien (interface tactile et 1080p), auquel cas il suffit d’attendre que BMW prenne en charge les eSIM des opérateurs français, on conseille donc vivement aux acquéreurs de BMW i7 de choisir l’option support pour tablette, à 206 euros l’unité. On pourra y fixer une ou deux grandes tablettes 13 ou 15 pouces, telles que des iPad Pro 12,9 pouces 5G à 1670 euros, et rentabiliser l’investissement en les utilisant également hors de la voiture.
Ou bien, on peut attendre que Range Rover ne lance enfin une version 100 % électrique de son SUV limousine, sans doute le véhicule offrant la meilleure combinaison de confort et de divertissement aux places arrière.
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