Huawei et l’embargo des États-Unis : on a résumé quatre années rocambolesques

Goliath contre Goliath

 
En 2019, les États-Unis appliquent un embargo contre Huawei encore très lourd de conséquences pour le marché des smartphones. Et alors que la marque chinoise semble préparer un grand retour, on a essayé de revenir sur ces quatre années riches en événements.

Embargo, espionnage et tensions géopolitiques… Rares sont les histoires aussi rocambolesques que la bataille qui oppose Huawei et les États-Unis. Surtout lorsque le feuilleton a d’aussi lourdes conséquences s’étalant sur autant d’années (et ce n’est toujours pas fini) ! Il y a vraiment tous les ingrédients d’un récit incroyable.

Il faut cependant admettre qu’il peut être difficile de s’y retrouver au milieu de la foultitude d’événements qui se sont enchaînés. Frandroid a donc décidé de retracer cette histoire afin d’y voir un peu plus clair. D’autant plus que l’on parle de plus en plus d’un retour en force de Huawei sur le marché des smartphones. Il est donc important de bien saisir tous les enjeux.

Notre résumé en vidéo de l’affaire Huawei

Le choc : Huawei est privé du Play Store et des applications Google

Rappelons la base de cette affaire. Il y a plus de quatre ans, le 19 mai 2019, une première information tombe : l’administration du président Donald Trump aurait inscrit Huawei sur une liste noire. L’entreprise n’aurait ainsi plus le droit de travailler avec des firmes américaines. À ce moment-là, l’incertitude plane encore, mais tout porte à croire que les smartphones de la marque chinoise ne peuvent plus préinstaller ni le Play Store ni les applications Google.

Il s’agit pourtant d’éléments essentiels dans l’expérience Android (hors de Chine). Même si l’OS est open source, c’est la firme de Mountain View qui le développe et qui fait tout pour y imprégner sa patte. Autrement dit, une marque de smartphones Android ne pouvant plus profiter de l’écosystème de Google propose forcément une expérience utilisateur fortement dégradée.

Le Huawei Mate 30 Pro lancé en 2019 // Source : Frandroid

C’est du jamais vu. Le lendemain, le 20 mai 2019, la décision est confirmée. Huawei perd sa licence Android auprès de Google. Si les smartphones déjà commercialisés par la marque — et Honor, filiale du groupe à l’époque –, les nouveaux modèles lancés dans la foulée souffrent d’un énorme handicap : ni Play Store, ni Gmail, ni YouTube.

En outre, un grand nombre d’applications tierces utilisant des services ou des outils Google deviennent inutilisables ou presque. Exemple : Pokémon Go qui est injouable ou Netflix ou la qualité HD pour les vidéos est inaccessible.

Les prémices : les accusations des États-Unis

Cette sanction américaine contre Huawei ne sort pas de nulle part. Elle vient plutôt cristalliser une montée inexorable des tensions entre le géant chinois et les États-Unis. Dès le début de l’année 2018, les services de renseignement américains se disaient très inquiets à l’égard de Huawei. La CIA, la NSA et le FBI accusaient en effet le groupe de mener des opérations d’espionnage pour le compte de la Chine.

Peu de temps après, les autorités du pays rendaient déjà presque impossible la vente de smartphones Huawei aux États-Unis et le recours aux équipements de l’entreprise était très limité.

Le flagship store de Huawei à Shenzhen // Source : Frandroid

À cet égard, il faut préciser que les soupçons des renseignements américains portent surtout sur les infrastructures de télécommunication de Huawei. Ce dernier est en effet un acteur majeur du secteur, aussi bien sur la 4 G que la 5G. Ce serait donc les antennes qui serviraient d’outils d’espionnage. Évidemment, le grand public, lui, retiendra surtout les conséquences sur les smartphones qui l’affectent plus directement.

Le contexte : Washington vs Pékin

Cette méfiance américaine à l’égard de Huawei doit d’ailleurs être replacée dans un contexte plus global. Il n’aura échappé à personne que, dans le jeu géopolitique mondial, deux superpuissances se démarquent : les États-Unis et la Chine. Or, la concurrence entre les deux pays s’est intensifiée au fil des années, sur le plan économique, militaire, diplomatique, mais également technologique.

Du côté des smartphones, notez aussi que l’année 2018 est particulièrement faste pour Huawei qui occupe ponctuellement la place de numéro 2 mondial au détriment d’Apple, le champion américain. Il serait totalement fallacieux de résumer les motivations de l’embargo à cette simple compétition entre les deux pays et les deux marques, mais cela vient forcément ajouter un filet d’huile sur le feu.

Les conséquences : le déclin de Huawei

Paradoxalement, l’embargo américain affecte surtout l’Europe. C’est en effet sur le Vieux Continent que Huawei misait fortement pour se développer à l’international. En Chine, ses utilisateurs et utilisatrices sont habitués de longue date à l’expérience Android sans Google — qui y est banni. Aux États-Unis, la marque commençait à peine à se lancer avant de se faire couper l’herbe sous les pieds.

Huawei P40
Huawei P40 // Source : Frandroid

En revanche, l’Europe était un marché très porteur pour Huawei. Le constructeur a donc longtemps tenté de s’accrocher en multipliant les astuces et redoublant d’ingéniosité pour pallier l’absence des services Google. En vain. Pour le grand public, l’expérience utilisateur était trop dépaysante, trop contraignante pour pouvoir continuer à acheter ou recommander les smartphones.

En 2020, l’embargo se durcit encore plus en empêchant des entreprises étrangères de fournir Huawei des composants s’appuyant sur des technologies américaines. Cela affecte sévèrement les lignes de production du groupe chinois, incapable d’équiper ses téléphones de puces compatibles 5G. Un comble pour un mastodonte des télécoms.

Le flagship store de Huawei à Shenzhen // Source : Frandroid

Résultat : Huawei connaît un déclin inévitable en Europe, mais aussi en Chine. Cette situation poussera même le groupe à admettre que « [sa] stratégie, c’est la survie ».

Le retour : Huawei remonte la pente

À ce moment-là, la situation est évidemment désastreuse pour Huawei qui ne semble avoir aucune perspective. Toutefois, le géant n’abandonne pas. Le groupe lance son propre système d’exploitation HarmonyOS, surtout utilisé en Chine, et se sépare de sa filiale Honor (qui retrouve ainsi les services Google).

Toutefois, c’est essentiellement en 2023 que la riposte commence à prendre forme. Pour contourner l’embargo américain, la firme prétend avoir réussi à remplacer jusqu’à 13 000 composants en s’appuyant sur des partenaires et des technologies chinoises. On apprend d’ailleurs que Huawei aurait carrément créé un réseau d’usines secret pour s’approvisionner comme il l’entend.

Huawei Mate 60 Pro // Source : Frandroid

À la rentrée, c’est la sortie du Mate 60 Pro qui attire tous les regards. Ce smartphone haut de gamme lancé en Chine est en effet compatible 5G. Chose qui paraissait impossible avec les sanctions américaines. Cela attire tout de suite des suspicions : comment Huawei aurait-il pu réussir une telle prouesse sans enfreindre l’embargo ?

En Chine, Huawei observe une hausse de 83 % des ventes de smartphones en octobre 2023 par rapport à la même période de 2022 // Source : Counterpoint Research via ITHome

Jusqu’à présent, aucune nouvelle sanction n’est tombée et Huawei semble surtout avoir été très astucieux. Et la marque a de quoi retrouver le sourire : son Mate 60 Pro rencontre un franc succès en Chine.

La suite : une histoire loin d’être terminée

L’embargo des États-Unis contre Huawei dure depuis quatre ans et va vraisemblablement s’éterniser. Toutefois, si dans les premiers temps, le rapport de force semblait nettement pencher en faveur de l’Oncle Sam, l’entreprise chinoise multiplie les signes d’un retour en force.

Dans les rues de Shanghai… des affiches de Huawei partout !

Au point où l’on ne se demande plus quand Huawei va lâcher et baisser les bras. On cherche plutôt à savoir si la marque va se contenter de rester sur son marché domestique, la Chine, ou si elle envisage carrément une nouvelle percée à l’étranger. Que les fans ne s’enflamment pas, l’embargo reste un obstacle majeur face aux ambitions du constructeur et on imagine que les États-Unis surveillent toujours la firme de très près.

Quoi qu’il en soit, il y a fort à parier que la suite des événements soit tout aussi rocambolesque.


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