Avec une pointe de cynisme, Microsoft devient le meilleur allié des travailleurs du jeu vidéo

 
Le droit du travail est devenu l’un des sujets très importants du jeu vidéo. Historiquement mauvais élève, Microsoft fait désormais figure de proue pour le droit des travailleurs en s’associant aux syndicats. Une manière de faire valider le rachat d’Activision-Blizzard.

Deux pierres pour un coup, c’est en substance comment on pourrait résumer l’excellent coup politique joué par Microsoft dans la soirée du 5 au 6 décembre. Deux nouvelles sans doute animées par le cynisme, mais qui semblent réellement bonnes pour les travailleurs du jeu vidéo.

Le syndicalisme pour répondre à la crise du jeu vidéo

Depuis plusieurs années, de nombreux scandales éclatent dans les entreprises de jeux vidéo. Les mêmes faits se répètent de studio en studio : harcèlement (sexuel ou non) par les managers, longues périodes de crunch à répétition entrainent du surmenage, faibles salaires et discriminations.

Le cas d’Activision-Blizzard a fait beaucoup de bruit devant la sévérité des violences commises, mais cela touche n’importe quel studio de jeu vidéo, du petit studio indépendant (Moon Studios par exemple) jusqu’au géant comme Ubisoft, Bethesda, Rockstar Games ou From Software plus récemment.

L’une des solutions pour défendre le droit des travailleurs est le recours à un syndicat, un système complètement absent de l’industrie jusque-là. En janvier, le premier syndicat a ouvert ses portes chez Activision-Blizzard au sein de Raven Software.

Le principal syndicat du jeu vidéo défend Microsoft

En parallèle de la contre-attaque de Brad Smith contre PlayStation, c’est Chris Shelton, président du syndicat Communications Workers of America (CWA) qui a publié un édito dans le média The Hill. Il s’agit d’un journal très édité à Washington, D.C et distribué en particulier aux membres du congrès, les députés des États-Unis. Autrement dit, c’est un édito qui va atterrir sous les yeux de toutes les personnes impliquées de près ou de loin dans la validation du rachat d’Activision-Blizzard par Microsoft.

Dans cet édito, Chris Shelton défend sans détour le projet de rachat et invite la FTC à valider cette fusion pourtant si effrayante puisqu’elle implique un géant de la tech déjà bien imposant.

En approuvant cette fusion, la Federal Trade Commission (FTC) a l’occasion de faire une déclaration forte en faveur de la démocratie économique et de fournir un modèle de recours exécutoire pour protéger les travailleurs contre les grands employeurs qui abusent de leur pouvoir de marché pour réduire les salaires et les conditions de travail.

Pour convaincre les autorités, il souhaite mettre au cœur du sujet les conditions des travailleurs et travailleuses. Historiquement, il estime que ce n’est pas un élément pris en compte par la FTC pour juger d’une fusion-acquisition. Elle considérait seulement l’impact sur la concurrence et le marché. Ici, il y aurait une vraie opportunité pour les travailleurs grâce à l’accord historique signé par Microsoft avec le syndicat CWA en juin 2022.

Si la fusion est approuvée et que l’accord social avec Microsoft est mis en œuvre, les travailleurs d’Activision Blizzard qui luttent contre le harcèlement sexuel et d’autres mauvaises conditions de travail à travers les États-Unis auront enfin une voix au travail et une chance de façonner les conditions de travail dans l’ensemble du secteur, et les joueurs auront des alliés au sein d’une entreprise avec de réelles protections pour s’exprimer dans l’intérêt des consommateurs.

La conclusion de l’édito est limpide : « Il est temps de conclure l’affaire, pas de la faire sauter ».

Microsoft montre l’exemple avec Bethesda

Sans laisser aucune place au hasard, le même syndicat CWA a annoncé dans la foulée l’ouverture d’une branche historique chez ZeniMax Studios, c’est-à-dire les studios de Bethesda chez Microsoft.

En respect de l’accord signé, Microsoft ne s’est pas opposé à la création de ce syndicat qui concerne déjà 300 employés des équipes QA, les plus touchées par les problèmes de toxicité dans l’industrie. Avoir autant d’employés syndiqués au sein d’une même entreprise est un signal très fort envoyé à l’industrie.

Bethesda avait justement été signalé au cœur d’un article de Kotaku en juin 2022 pour sa très mauvaise gestion du développement et du lancement de Fallout 76.

Et un peu de cynisme

Jusque-là, Microsoft était plutôt connue pour être une entreprise très opposée à l’idée de la création de syndicats en son sein. Le jeu vidéo aura été la voie pour que l’entreprise s’ouvre à cette idée, non sans une pointe de cynisme.

La création de ce syndicat comme l’édito publié dans le média The Hill font partie de la campagne de communication de la firme pour faire valider le rachat d’Activision-Blizzard par les autorités en faisant peser l’avenir des travailleurs dans la balance.

Une victoire sans aucun doute pour les travailleurs, mais où il faut garder les intérêts de Microsoft en perspective. Dans un thread publié sur Twitter, le syndicat CWA indique toutefois que l’accord signé avec Microsoft durant l’été est un accord solide et structurant très loin d’un contrat qui pourrait être rompu dès qu’Activision-Blizzard intègre le géant.

Quoi qu’il en soit, on peine désormais à voir comment la FTC démocrate américaine pourrait justifier un blocage pur et simple du rachat sans paraitre comme opposé aux droits des travailleurs.


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