Les Jabra Elite 5, les Sennheiser Momentum True Wireless 3, les Bose QC Earbuds II ou les Xiaomi FlipBuds 3 Pro. Autant d’écouteurs très différents les uns des autres, proposés par des marques danoise, allemande, américaine ou chinoise. Pourtant, tous ces écouteurs ont un point commun : ils sont dotés d’une puce conçue par Qualcomm.
L’équipementier américain est bien connu des personnes qui suivent de près l’actualité des smartphones. C’est lui qui conçoit une grande partie des processeurs de téléphones, ceux qu’on qualifie de SoC (system on chip) et qui intègrent à la fois le modem, la puce graphique, le processeur ou la puce de traitement photo. Mais Qualcomm est loin de se limiter aux seuls smartphones, et si on a logiquement vu l’entreprise proposer désormais des SoCs pour montres connectées et pour ordinateurs portables, le virage vers l’audio a de quoi étonner.
Des SoC Qualcomm dans les écouteurs sans fil
Parce que depuis plusieurs années, Qualcomm est devenu un acteur incontournable de l’audio sans fil. Désormais, on retrouve des SoC de la firme américaine non seulement dans des casques, mais également dans des écouteurs true wireless. De prime abord, cette présence de la firme peut être facilement identifiée, puisque nombre d’écouteurs ou de casques intégrant une puce Qualcomm proposent également les codecs audio Bluetooth maison de la firme, l’aptX, l’aptX HD, l’aptX Adaptive ou l’aptX Lossless. Mais ce serait faire erreur que de penser que le seul rôle de Qualcomm dans le domaine de l’audio sans fil est de proposer des codecs.
En fait, Qualcomm propose de très nombreuses fonctionnalités à ses partenaires grâce à ses SoCs. L’entreprise participe, d’une certaine façon, à l’explosion du marché. Concrètement, il n’a jamais été aussi simple pour un constructeur de concevoir des écouteurs sans fil que depuis que Qualcomm propose ses propres puces à tout faire.
Il faut dire que les puces de Qualcomm proposent nombre de fonctionnalités. Pour le comprendre, prenons l’exemple de la dernière puce haut de gamme du constructeur, la plateforme Qualcomm Sound S5. Cette puce embarque à la fois un transmetteur-récepteur Bluetooth 5.3 (compatible avec les codecs aptX et le Bluetooth LE Audio), la compatibilité avec Google Fast Pair pour l’appairage rapide, un processeur cadencé à 80 MHz, un convertisseur numérique vers analogique, une gestion des assistants vocaux et des contrôles des boutons, des algorithmes de réduction de bruit adaptative, hybride, feedback ou feedforward, et même des algorithmes de calibration pour proposer une certaine signature sonore aux écouteurs.
Bref, Qualcomm propose aujourd’hui une solution tout-en-un aux constructeur de casques et d’écouteurs. Ceux-ci n’ont alors plus qu’à concevoir le design des écouteurs en eux-mêmes et à intégrer des transducteurs chargés de reproduire le signal transmis par le smartphone, décodé par la puce de Qualcomm, filtré par la réduction de bruit, calibré par les algorithmes et transformé en signal électrique pour faire réagir les transducteurs.
Des clients dans toute l’industrie
Les clients de Qualcomm sont très variés. On va retrouver aussi bien des marques audio réputées sans expérience sur la transmission sans fil — comme Sennheiser — que des marques davantage portées sur le Bluetooth, mais moins à l’aise sur la réduction de bruit — comme Jabra — ou des constructeurs de smartphones qui n’ont que peu d’expérience dans le domaine de l’audio — comme Xiaomi. Pour comprendre l’intérêt et la diversité des clients de Qualcomm, prenons deux exemples : Bose et Jabra.
Le premier est bien discret dans son partenariat avec Qualcomm. En effet, Bose ne propose qu’une compatibilité avec les codecs SBC et AAC et a développé ses propres algorithmes de réduction de bruit active. Pour le constructeur audio américain, il s’agit surtout de profiter de la puissance de calcul de la plateforme Qualcomm Sound S5, comme nous a indiqué Kevin Manzolini, responsable de l’ingénierie de Bose à l’occasion du lancement des QuietComfort Earbuds II :
On travaille avec Qualcomm pour leur expertise sur la transmission sans fil et on utilise leur puissance de processeur pour utiliser nos propres algorithmes. Cela nous permet d’obtenir a à la fois une connexion robuste et une puissance nécessaire pour nos propres algorithmes de réduction active de bruit.
Le cadre de Bose n’exclut cependant pas de pousser davantage ce partenariat à l’avenir et de proposer, à terme, davantage de codecs audio Bluetooth en tirant parti de la plateforme mise à profit par Qualcomm : « Pour l’instant, on utilise toujours les codecs AAC et SBC. Mais on discute beaucoup avec les équipes de Qualcomm au sujet de leurs codecs et la porte reste ouverte ».
Du côté de Jabra en revanche, on nous explique que le partenariat avec Qualcomm a été « gagnant-gagnant » pour les deux entreprises : « Le monde du Bluetooth a évolué rapidement ces dernières années avec des standards Bluetooth et des demandes du marché qui évoluent rapidement. Avoir un partenaire qui intègre tout cela dans des solutions SoC compactes avec des changements fréquents de génération a été stratégiquement bénéfique pour Jabra ; plutôt que développer nos propres circuits intégrés ou bâtir des systèmes pour plusieurs puces ».
Des fonctionnalités à la carte
Néanmoins, les puces Qualcomm et de leurs fonctionnalités ne sont pas du tout intégrées de la même façon par Jabra, Bose ou Sennheiser. Et pour cause : tout l’intérêt des SoC de Qualcomm pour les constructeurs est qu’il s’agit de solutions à la carte. Si l’on conserve l’exemple de Bose et de Jabra, le premier se contente donc, comme on l’a vu, de s’appuyer sur la plateforme Qualcomm S5 pour améliorer la stabilité du signal Bluetooth et profiter de sa puissance de calcul.
En revanche, chez Jabra, c’est une philosophie opposée que l’on va retrouver. Le constructeur se repose en grande partie sur l’expérience et les fonctionnalités proposées par Qualcomm, que ce soit en termes de réduction active du bruit, de fonctions de connexion avec les codecs aptX, de connexion Bluetooth multipoint ou de compatibilité avec Google Fast Pair. Des fonctionnalités souvent rares chez les autres constructeurs, mais que Jabra reprend à son compte depuis plusieurs années :
Il est vrai que les kits de développement de Qualcomm donnent accès à des solutions standard pour un certain nombre de fonctionnalités et nous avons utilisé certaines d’entre elles directement pour certains produits. Cependant, en particulier dans le domaine de la voix, de la réduction de bruit ou de la connexion multipoint, nous avons personnalisé et optimisé ces solutions pour répondre aux standards de Jabra afin de différencier notre offre.
Il en va de même du côté de Sennheiser. Le constructeur allemand utilise, lui aussi, des puces Qualcomm et cherche à en tirer le meilleur avantage possible, comme nous l’a expliqué Stephan Lietz, responsable de la division R&D grand public de la firme : « Nous essayons toujours de maximiser les avantages que nous pouvons tirer de chaque composant que l’on utilise. Par exemple, la plateforme Qualcomm nous permet de proposer une grande qualité audio via l’aptX, on peut toujours aller au-delà en intégrant notre propre réduction de bruit adaptative comme sur les Momentum True Wireless 3 ».
Dans le cas de Jabra comme de Sennheiser, les constructeurs s’appuient donc sur les fonctions proposées par leur fournisseur, mais cherchent à aller au-delà. C’est là tout l’intérêt des SoC de Qualcomm, comme l’indique James Chapman : « Les constructeurs haut de gamme ont souvent leurs propres algorithmes, donc ils vont utiliser leurs propres captations vocales, leur propre égaliseur numérique, etc. ».
Des écouteurs tous semblables ?
Si Qualcomm équipe de plus en plus d’écouteurs haut de gamme sur le marché, on pourrait craindre une uniformisation des écouteurs sans fil. Il n’en est rien. Si les fonctions tendent à se ressembler de plus en plus — réduction de bruit, aptX ou Bluetooth multipoint — les constructeurs tablent justement sur la personnalisation et l’utilisation — ou non — des algorithmes de Qualcomm pour se différencier les uns des autres.
« La plateforme de Qualcomm nous offre suffisamment de flexibilité pour développer nos propres fonctions par-dessus. La réduction de bruit adaptative, Sound Check et Sound Zones ne sont que quelques exemples », indique par exemple Stephan Lietz de Sennheiser. Un avis partagé par Jabra : « Même si nous utilisons les mêmes technologies et fonctionnalités, nous nous assurons que l’ADN de Jabra alimente le développement de produits pour proposer une expérience unique et différenciée ».
Qualcomm est conscient de cette volonté des constructeurs d’utiliser leurs propres algorithmes et leurs propres solutions, que ce soit pour la captation des voix durant les appels vocaux, pour la réduction de bruit ou pour la signature sonore de leurs écouteurs :
Nos clients se différencient de bien des façons. […] Il y a beaucoup de compromis à faire, comme la taille, le confort, le design acoustique, le choix des transducteurs, l’équilibre de l’ensemble, la qualité de la réduction de bruit qu’ils intègrent… C’est uniquement le constructeur qui va gérer tout ça et il y a de grosses différences de l’un à l’autre. Si on écoute des écouteurs de Bang & Olufsen, Bose, Master & Dynamic ou Shure, ils sont tous très bons. Mais ils sont tous différents en termes de son ou d’équilibre entre ces différents compromis.
Par ailleurs, si Qualcomm fournit d’emblée des solutions logicielles et algorithmiques intégrées à ses puces, la firme américaine ne participe que très peu aux nombreux autres éléments des écouteurs sans fil. Le format — avec ou sans tige — la batterie, les transducteurs ou les microphones doivent être conçus ou achetés par ses clients. Or, c’est justement l’équilibre entre le transducteur et les algorithmes d’égalisation qui vont faire la signature sonore d’une paire d’écouteurs. Et même si Qualcomm peut donner des conseils à des marques qui ne sont pas spécialisées dans l’audio, la plupart de ses clients n’en ont pas besoin, comme l’explique James Chapman : « Parfois nous donnons des conseils, par exemple pour la puissance nécessaire de la part d’un transducteur pour la réduction de bruit, puisqu’il va falloir des haut-parleurs plus larges pour réduire les fréquences graves. Ce sont sur des choses comme ça qu’on peut parfois s’impliquer, en donnant des conseils sur les caractéristiques qui permettront à tout le système de bien fonctionner ».
La promesse du Snapdragon Sound et de l’aptX Lossless
L’autre élément dans lequel Qualcomm peut s’impliquer de plus en plus, c’est logiquement dans son propre label, Snapdragon Sound, et le code aptX Lossless qui lui est associé.
Pour rappel, Snapdragon Sound est un label lancé en début d’année dernière par Qualcomm qui vise à certifier des smartphones, écouteurs ou casques audio profitant des meilleures puces Qualcomm, à la fois pour transmettre le signal Bluetooth, mais également pour le décoder. L’idée ici est donc de pousser les frontières de la technologie Bluetooth avec un codec qualifié de « sans perte » par Qualcomm.
Problème : seuls quelques smartphones et une seule paire d’écouteurs, les NuraTrue Pro, sont certifiés aptX Lossless à l’heure d’écrire ces lignes. Il faut dire que contrairement à l’aptX ou à l’aptX Adaptive, l’aptX Lossless est actuellement un format fermé, sous licence, qui n’a pas intégré le standard Bluetooth, géré par le consortium Bluetooth SIG :
C’est davantage une nécessité qu’une volonté propre. Le problème avec la configuration de Snapdragon Sound est que nous avons dû faire des changements sur toute la chaîne, y compris sur les antennes. Pour que tout le monde se mette d’accord sur des antennes, il faut un standard. Donc nous avons soumis ce que nous avons fait dans les premières étapes de Snapdragon Sound à Bluetooth SIG. Mais ils mettent du temps à intégrer ces changements sur le marché. On a eu un choix à faire : est-ce que nous voulions patienter alors que la technologie était prête, quitte à permettre à de gros concurrents de faire ces avancées dans les 4 à six ans à venir, ou est-ce que nous voulions lancer la fonction pour aider nos clients ? On a fait le second choix.
Derrière ce label Snapdragon Sound, il y a en fait la volonté claire et nette de Qualcomm de se confronter à celui qu’il considère comme son principal concurrent. Il ne s’agit ni de Huawei, ni de Sony, ni de Samsung — trois marques utilisant leurs propres SoC — mais d’Apple. « Une des raisons pour lesquelles ils sont aussi fort, c’est parce qu’ils arrivent à appairer étroitement leurs produits. Ils conçoivent leurs AirPods en connaissant le téléphone avec lequel ils seront connectés. Le reste du marché a du mal à proposer ce niveau d’intégration parce que c’est un marché bien plus fragmenté. Il y a des puces de certains fournisseurs, des appareils d’autres constructeurs. Avec Snapdragon Sound, on aide nos clients à combattre cela, puisqu’on bâtit justement ces plateformes sur plusieurs écouteurs, sur plusieurs smartphones, sur PC aussi avec les processeurs Snapdragon ARM », nous explique James Chapman.
Reste que, si le constructeur adopte le label Snapdragon Sound, Qualcomm aura alors son mot à dire afin de s’assurer que les écouteurs, le casque ou le smartphone pourra proposer le meilleur son possible, afin de ne pas décevoir le client final. Comme toujours, l’audio est une chaîne et les puces de Qualcomm n’en sont qu’un des nombreux maillons : « On s’assure que les clients qui utilisent notre certification ont bien un système audio de bonne qualité globale, sans trop pousser dans le détail ».
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