Pourquoi la Chine possède des cimetières de voitures électriques presque neuves

 
Un célèbre youtubeur pointe du doigt la présence en Chine de nombreux cimetières de voitures électriques presque neuves abandonnées. Un scandale de grande ampleur à venir ? Pas forcément, car la vérité doit être fortement nuancée.

Les voitures électriques connaissent actuellement un très grand succès dans le monde entier. À tel point qu’elles ont même dépassé les ventes de diesel en Europe depuis le mois de juin dernier. Cependant, et si elles seront bientôt les seules pouvant être vendues sur le Vieux Continent, elles demeurent encore décriées par de nombreux opposants.

Un scandale à venir ?

Ces derniers ne manquent pas d’argument à opposer à cette motorisation, comme l’autonomie insuffisante ou encore le recyclage des batteries. Or, ces problèmes n’en sont plus vraiment à l’heure actuelle. Mais voilà qu’un autre scandale pourrait bientôt éclater, à la suite d’une vidéo postée sur le net par le youtubeur Serpentza, suivi par plus d’un million d’abonnés.

Crédit : Qilai Shen/Bloomberg

Sur les images, nous pouvons apercevoir un immense parking situé en Chine. Si ce dernier semble totalement normal, il s’agit en fait d’un cimetière de voitures électriques à ciel ouvert. Il n’en fallait pas plus au créateur de contenu pour faire le buzz, ce dernier affirmant sans détour que les constructeurs immatriculaient des véhicules sans les vendre afin de gonfler artificiellement leurs chiffres.

Ce qui expliquerait selon lui pourquoi les constructeurs chinois prennent autant d’importance, alors que l’Empire du Milieu est devenu le plus grand exportateur mondial. Le Youtubeur affirme que pas moins de 10 000 voitures auraient été abandonnées, sans avoir été conduites une seule fois. Autant dire que tous les ingrédients pour créer un scandale en puissance sont ici réunis.

Mais la vérité est-elle vraiment la même que celle montrée par Serpentza ? Certains en doutent, comme les journalistes de la chaîne Youtube Inside China Auto (ICA). À tel point que ces derniers se sont rendus sur place afin de mener leur petite enquête. Et le verdict est en fait bien différent de ce qu’affirme le youtubeur à l’origine de ce buzz.

Une autre réalité

Tout d’abord, le parking est en fait nettement moins rempli que ce qui est dit dans la première vidéo. Mais ce n’est pas tout, car si Serpentza affirme que 10 000 Neta V ont été abandonnées dans ce cimetière à ciel ouvert, ICA n’en compte que 200 au maximum. On est donc très loin d’une vaste fraude consistant à immatriculer des milliers de voitures pour faire croire à des chiffres plus élevés.

De plus, le lieu de stockage présenté dans les deux vidéos est aussi peuplé de véhicules lourdement accidentés, qui ont vraisemblablement été réellement vendus et conduits. Et il y a une bonne raison pour qu’ils aient été abandonnés, sans doute en attente de destruction. Pourtant, la vidéo montre également des voitures quasiment neuves, qui auraient entre un et cinq ans.

En regardant en détail et comme l’explique Inside China Auto, ces dernières ne sont en fait pas immatriculées. Elles ne comptent donc pas dans les statistiques de ventes des constructeurs et ne peuvent pas être utilisées pas ces derniers pour tricher et fausser les chiffres. De plus, la plupart ne sont même pas de marques chinoises puisqu’il s’agit de modèles Audi et Volkswagen, tandis que l’on retrouve également quelques Toyota bZ4X.

Il est cependant vrai que certaines autos sont déjà immatriculées. Mais elles restent minoritaires, bien loin de ce que nous explique le youtubeur. S’il s’agit de modèles produits par Geely ou encore Dongfeng-Peugeot, ces dernières sont probablement seulement en stockage en attendant d’être livrées. Ce qui est tout à fait banal puisqu’il s’agit d’une pratique courante pour tous les constructeurs. Pas de quoi créer un scandale.

Une raison connue

Dans les deux vidéos, nous pouvons également voir à vue de nez plusieurs centaines de BJEV EC3 qui semblent bel et bien abandonnées. Mais là encore, point de révélation explosive en vue. En effet, si ces voitures sont presque neuves (ou tout du moins très récentes) stockées là depuis longtemps, la raison est en fait très simple. En fait, ces dernières appartenaient à un entreprise d’auto-partage qui a fait faillite.

À vrai dire, ce phénomène est très courant, comme l’explique Bloomberg, qui a même consacré un article détaillé à ce sujet. Il y a en environ une dizaine d’années, le gouvernement chinois a encouragé les constructeurs et jeunes start-up à se lancer dans l’électrique. De plus, ce dernier proposait a lancé à l’époque une aide de 8 400 dollars environ aux clients achetant cette motorisation, ce qui nous rappelle le bonus écologique français.

Crédit : Qilai Shen/Bloomberg

De plus, les constructeurs étaient également récompensés par l’État à chaque vente. Ce qui a incité certains à créer leur propre service d’auto-partage afin d’immatriculer leurs voitures pour leur flotte. Mais la plupart ont fait faillite, notamment avec la crise sanitaire. Toutes ces voitures se sont donc retrouvées sans propriétaires, mais ayant pour la plupart déjà servi.

Certaines ont même conservé des autocollants demandant aux passagers de porter leur masque une fois à bord tandis que des bouteilles d’eau vides ont été retrouvées sous les sièges. Si la ville de Hangzhou a donné l’ordre de vider ces cimetières, ces derniers sont en fait encore présents comme en témoignent les vidéos publiées sur YouTube.

Pas seulement en Chine

S’il est facile de pointer du doigt la Chine, l’Europe ne fait pas vraiment mieux. En effet, on pense également au grand cimetière d’anciennes Bolloré Bluecar ayant servi au service d’autopartage Autolib qui a pris fin en 2018. On se rappelle également du scandale du Dieselgate de 2015, à la suite duquel plus de 350 000 voitures du groupe Volkswagen avaient été récupérées auprès des clients aux États-Unis puis stockées dans des champs.

Mais ces cimetières de voitures électriques représentent-ils un risque pour l’environnement comme l’affirme Serpentza ? Et bien pas forcément comme l’expliquent les journalistes de Numerama. En tout cas pas plus que pour une auto thermique. Cependant, le risque d’incendie n’est pas à exclure, sans parler de l’immense gâchis des matériaux inutilisés.

Reste à savoir si ces voitures seront un jour recyclées, puisque de nombreuses entreprises comme Redwood Materials ou encore Mercedes travaillent à la revalorisation des batteries. Celles équipant tous ces véhicules abandonnés pourraient alors connaître une seconde vie, tandis que la demande en lithium augmente et pourrait provoquer une tension dans les prochaines années.


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