Si vous suivez assidûment l’actualité automobile, vous avez sans doute remarqué que les constructeurs européens ont entamé une course à la voiture électrique pas chère, avec un seuil fixé « sous les 25 000 euros » en prix de base, avant les aides éventuelles.
Citroën a déjà présenté sa ë-C3, qui devrait débuter à partir de 23 300 euros (et une version à partir de 19 990 euros, hors bonus en 2025), tandis que Volkswagen a officialisé l’arrivée d’une ID.2 à partir de 2025 et Renault sa R5 E-Tech pour 2024.
D’autres constructeurs s’ajoutent à cette liste, comme Opel et Fiat pour le groupe Stellantis, ou encore Dacia qui propose sa Spring a un tarif défiant toute concurrence depuis deux ans, mais de nombreux compromis.
Sauf que ces voitures électriques accessibles ne sont pas si faciles à réaliser. En effet, Renault a déjà prévenu que sa R5 devrait coûter plus cher que les 25 000 euros initialement prévus. Elle pourrait plutôt tourner autour de 30 000 euros. De son côté, Volkswagen n’a pas (encore) revu sa copie, mais au vu des coûts de développement et des matières premières, ça ne saurait tarder.
Néanmoins, sauf énorme retournement de situation, ces voitures arriveront sur nos routes. Mais ce ne sera pas le cas de tous les projets, y compris ceux de certains mastodontes de l’industrie automobile.
Pourquoi certains constructeurs font-ils (déjà) machine arrière ?
Récemment, General Motors et Honda ont officialisé leur décision de mettre un terme à leur ambitieux projet de développement conjoint de véhicules électriques économiquement abordables. Initialement annoncé avec un investissement colossal de 5 milliards d’euros, aucun détail précis n’a été fourni sur les sommes dépensées jusqu’à présent dans ce projet désormais avorté.
Dans un communiqué conjoint, GM et Honda ont expliqué : « Après des études et des analyses approfondies, nous sommes parvenus à une décision commune, celle d’interrompre le programme. Chaque entreprise reste attachée à l’importance de véhicules abordables. »
Ils ont également laissé entendre que certaines collaborations pourraient persister, bien que les détails restent à préciser. Nul doute que du côté du constructeur japonais, l’échec de la Honda e aura aussi pesé dans la balance et la marque ne compte pas refaire deux fois la même erreur.
Cette décision met globalement en évidence un problème majeur : seul un nombre restreint de constructeurs chinois, qui disposent des ressources et de l’expertise nécessaires pour dominer le marché de l’électrification, ou des acteurs tels que Tesla, qui se démarquent en raison d’une approche financière différente, semblent capables de proposer des véhicules électriques « abordables ».
Pourquoi les marques « historiques » ont-elles du mal ?
Les principaux constructeurs généralistes ou haut de gamme se heurtent à plusieurs difficultés considérables, à commencer par d’importants coûts de recherche et de développement autour d’une technologie qu’ils ne maîtrisent pas encore totalement. C’est d’ailleurs pourquoi certaines marques dites « traditionnelles » n’hésitent pas à lier des partenariats avec d’autres constructeurs un peu plus en avance dans ce domaine, comme c’est le cas par exemple entre Stellantis et Leapmotor, même si cette alliance ne porte pas forcément exclusivement sur les synergies technologiques.
Développer une voiture électrique, même si elle est techniquement plus simple qu’une thermique, cela demande du temps. Et du temps, les constructeurs n’en ont pas, notamment en Europe. Pressés par les objectifs CO2 et, maintenant, l’interdiction de vente de voiture neuves thermiques et hybrides à partir de 2035 au sein de l’UE, certains constructeurs prennent encore leur marque dans l’univers de l’électrique.
Volkswagen, par exemple, a été vivement critiqué pour l’ID.3 de première génération, qui, malgré des prétentions abordables, ne l’était pas autant qu’espéré. Avec un développement fait à la « va-vite », la voiture était aussi pleine de petits défauts à ses débuts, notamment des soucis liés aux logiciels qui ont mis de longs mois avant d’être résorbés.
Au sein du groupe Renault, la Dacia Spring ressemble davantage à un produit conçu pour les marchés indiens ou chinois qu’européens. Pourtant, faute d’autres produits, la Spring est commercialisée en Europe depuis bientôt trois ans et son succès est tel que cela prouve qu’il y a bien un marché pour les petites voitures électriques pas chères.
Pour en revenir à General Motors, Mary Barra, sa PDG, a confirmé sa volonté de ralentir les programmes liés aux véhicules électriques, estimant que « le marché demeure incertain ». Pourtant, tout porte à croire que l’avenir de la voiture sera électrique, même si les récentes et importantes grèves aux États-Unis dans l’industrie automobile, et qui ont fait perdre déjà plusieurs millions d’euros à General Motors, ont sans doute pesé dans la balance concernant l’abandon du projet de petite voiture électrique avec Honda.
Faut-il sortir du nombrilisme européen ?
En somme, l’abandon du projet de General Motor et Honda reflète les nombreux défis auxquels sont confrontés les constructeurs automobiles lorsqu’il s’agit de proposer des véhicules électriques abordables. La voie vers une électromobilité accessible au plus grand nombre est semée d’embûches, et même les géants de l’industrie peuvent trébucher face à ces défis financiers et techniques.
Stellantis semble avoir trouvé la bonne formule, en créant des synergies non plus régionales, mais plutôt mondiales, même pour des produits vendus en Europe. La Citroën ë-C3 récemment présentée serait, selon des sources internes et relayées par nos confrères de Numerama, « sous-traité à bas coût en Inde, bien maquillé et vendu comme une production européenne (grâce à son assemblage en Slovaquie) » .
Même s’il ne s’agit que d’une rumeur pour le moment, ça n’a globalement rien d’étonnant compte tenu du fait que, développer une voiture électrique 100 % européenne aurait sans doute coûté beaucoup plus cher, et cela ce serait évidemment répercuté sur le prix.
Le meilleur exemple se trouve d’ailleurs chez Stellantis : comment peut-on expliquer autrement la différence de plus de 10 000 euros entre une Peugeot e-208 disponible à partir de 35 300 euros avant bonus (disposant, certes, de 80 km d’autonomie en plus) et une Citroën ë-C3 alors qu’elles font partie du même segment et disposent, à quelques détails près, des mêmes technologies ?
Aujourd’hui, les voitures électriques pas chères sont encore largement subventionnées, notamment en France, ce qui permet évidemment de tirer les prix vers le bas et d’axer sa communication en conséquence. Par exemple, une Volkswagen ID.2 d’entrée de gamme à 24 990 euros, moins les 5 000 euros de bonus, et effectivement le prix devient intéressant et les mensualités dans le cadre d‘une LOA ou d’une LLD aussi.
Mais ces voitures ne pourront pas être éternellement sous perfusion de l’État (et donc du contribuable), et ce que nous voyons aujourd’hui avec la guerre commerciale que se livre l’Europe et la France contre la Chine et ses voitures électriques, en supprimant notamment les aides sous couvert « d’empreinte carbone », nous le verrons d’ici quelques années aussi en France pour les modèles produits chez nous.
Un marché encore trop sous perfusion ?
Qui imagine subventionner à hauteur de 5 000 euros les bientôt 60 000 Renault 5 E-Tech vendues en France (le volume de vente sur une année d’une Renault Clio thermique en France, si on imagine que la R5 électrique prendra le relais à terme), quand la voiture électrique ne sera plus que la seule option ? Les aides vont disparaître, et les constructeurs n’auront pas d’autres choix que de baisser les prix de leurs voitures.
Est-ce que ça voudra dire qu’ils pourraient perdre de l’argent à chaque voiture vendue, comme le chinois Nio par exemple ? Peut-être pas, mais dans un premier temps, les marges réalisées ne seront pas forcément aussi importante par rapport à une voiture d’un segment équivalent avec une technologie déjà éculée depuis plusieurs années (pour ne pas dire des dizaines d’années).
La recherche et le développement, mais aussi la production à grande échelle et la maîtrise de sa production sont les clés pour proposer, à terme, des voitures électriques pertinentes et abordables. La plupart des grands constructeurs traditionnels l’a compris, même si leur application réclamera encore du temps et beaucoup d’investissements.
Et preuve en est que ce n’est pas forcément facile, Tesla, pourtant numéro un de l’électrique dans le monde, ne propose pas encore de voiture électrique abordable, c’est-à-dire à moins de 25 000 dollars, même si une Model 2 semble être dans les cartons.
Alors certes, au vu de son rapport prix/prestations, la Model 3 est l’exemple même que Tesla sait faire des voitures au bon rapport qualité/prix, mais de là à proposer une voiture « du peuple », la marche est encore haute, d’autant plus que Tesla ne bénéficie pas de l’appui de grands groupes industriels mondiaux, même si la marque, depuis peu, semble s’ouvrir un peu plus aux partenariats.
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